• Aimer en 27,500 pulsations

    Aimer en 27,500 pulsations

    Maison abritant l’école et la compagnie de danse Viviane Gauthier( aujourd’hui territoire abandonné)

    ‘’La ville appartient aux pyromanes.

    Ils dansent sur les cendres.

    Ils nous ont volé nos souvenirs,

    Et la fumée habite nos pires cauchemars.

    J’ai touché ces murs noircis,

    et les fantômes des beaux jours

    ont esquissé un “danse ploge”

     Chaque bloc raconte une histoire.

    J’y ai parlé les miens,dans chaque crevasse.

    J’ai cité leurs noms.

    Pour ne pas oublier

    Pour qu’eux aussi n’oublient pas’’

    Lorsque j’ai écrit ces lignes pour la première fois, une parente venait tout juste de perdre la maison de son enfance. Cette maison était un lieu de mémoire, de retrouvailles. Un repère effacé. Dans les mêmes heures, une amie très proche, vivant dans la même zone, était en fuite, contrainte de tout laisser derrière elle pour sauver sa vie. Et moi, à des milliers de kilomètres, dans ce que l’on appelle « l’ailleurs », je regardais impuissant d’autres fragments de mes souvenirs partir en fumée

    Depuis que je vis hors d’Haïti, j’ai peur des appels venant du pays. J’ai développé cette habitude étrange de laisser les notifications en sourdine, comme si cela allait retarder le moment où une mauvaise nouvelle me parviendrait. Chaque appel est un pari : ce peut être un mot d’encouragement, une photo de ces amitiés qui résistent par la force des choses, ou un “ou pa tande sa ki rive “.

    Je suis bizarrement resté membre d’un groupe WhatsApp qui partage des nouvelles du pays. Je dis « bizarrement » car parfois, je me sens trop loin pour participer vraiment. Trop impuissant pour agir. Et pourtant, je reste, parce qu’y être, c’est aussi une manière de dire que je n’oublie pas. Que je tiens. Que je garde ce lien fragile avec ce pays qui m’habite entièrement.

    Je suis reconnaissant à l’univers de m’avoir offert la possibilité de construire un ailleurs a moi, où la vie me semble moins fragile. Mais cette chance n’efface pas la douleur. Elle ne me protège pas du sentiment de deuil constant chaque fois qu’Haïti est mentionnée.

    Je me revois encore, quelques années après le tremblement de terre de 2010, me promenant au centre-ville dans des rues que j’avais connues qui étaient désormais colonisées par des tentes d’infortune ou par des abris qui se transformaient en bateau ivre dès qu’il pleuvait. Les décombres avaient été déplacés, mais le vide restait immense. Et je me forçais à me souvenir des maisons et des gens.

    Je n’écris pas pour me consoler, j’accepte l’idée que ce deuil va habiter mes marges. J’écris pour témoigner et laisser mes mots parler pour nous tous. Pour que l’absence ne se mue pas en oubli. Parce que ce ne sera jamais un pays lointain, aux nouvelles tragiques, parce qu’Ayiti, ce ne sera jamais seulement 27 750 km² de chaos, comme on le martèle trop souvent dans les médias. Ayiti, c’est la première révolution victorieuse d’esclavagisé.e.s contre l’une des plus puissantes armées coloniales de l’époque. C’est la voix des hommes et des femmes, nombreux, courageux, qui ont combattu aux premiers rangs, défiant les normes d’un monde qui ne voulait pas leur accorder le droit d’exister.Ayiti ce sont des milliers de voix anonymes qui crient en unissons : “Nou (fout)bouke!

    Aimer Haïti, aimer ceux qui y vivent, aimer Port-au-Prince particulièrement, c’est vivre avec une forme de tension permanente. C’est vivre avec l’idée qu’un jour, il faudra raconter l’absence. Il faudra mettre des mots sur ces espaces qui n’existent plus, des familles dispersées, des souvenirs en cendre.

  • Territoires perdus

    Je suis récemment parti en voyage professionnel à travers ce que l’on appelle souvent les territoires perdus. Nous avons tendance à imaginer ces zones de non-droit comme des déserts, des espaces sans vie, vidés d’ordre et de sens.

    Ce voyage, je le préparais depuis des semaines. En tant qu’activiste engagé dans un projet binational, j’étais impatient de sortir de la routine — ça faisait bien trop longtemps que j’étais coincé dans la capitale. Mais au-delà de ça, j’étais curieux. Curieux de ressentir ce que cela fait de traverser des zones que beaucoup considèrent comme abandonnées,ou perdues.

    Une fois l’itinéraire confirmé, je suis tombé dans ma spirale habituelle de et si ?. Probablement la raison pour laquelle personne dans ma famille n’avait été averti que je quittais la ville. Un samedi matin, une amie — en route pour la France — et moi, avons pris un bus pour Ouanaminthe, une ville proche de la frontière dominicaine. Le trajet allait durer au moins six heures. On ne savait pas trop à quoi s’attendre.

    À peine sortis de Port-au-Prince, un homme s’est levé et s’est présenté comme une sorte de représentant de la compagnie de bus. Il est allé droit au but. Il a annoncé que nous entrions dans une zone “rouge”, où les téléphones portables et autres appareils électroniques susceptibles de localiser les “techniciens” sur la route étaient strictement interdits. Il a dit, presque calmement :

    « Si quelqu’un est repéré, le bus peut être arrêté, et la personne invitée à poursuivre ses activités avec les techniciens. »

    J’ai eu le souffle coupé. Dans quoi est-ce que je m’étais embarqué ?

    Mon amie et moi, nous nous sommes regardés puis on s’est serré la main un instant. Nous avons ri nerveusement à quelques blagues douteuses de l’homme, qui a fini par avouer qu’il était en fait un démarcheur — chose courante dans les transports en commun haïtiens. Ses paroles m’ont troublé, mais c’est surtout sa présence qui m’a empêché d’observer la route, de voir si un “technicien” surveillait, visait, attendait.

    À un moment, j’ai décroché. J’étais perdu dans mes pensées.

    Au moment où j’écris ces lignes, mon cœur bat à toute vitesse. Un quartier pas loin du mien vient de tomber. Les gens fuient dans tous les sens, sans destination précise. Je suis paralysé. Est-ce que je reste pour défendre ce qui m’appartient ? Ou suis-je, moi aussi, l’un de ceux qui doivent tout abandonner ?

    Je dois sembler superficiel à ceux qui ne me connaissent pas, mais cette maison — ce n’est pas juste une maison. C’est celle que ma mère a construite de son salaire pas terrible,elle a imaginé chaque pièce. Je l’ai héritée à sa mort. Je l’ai lentement transformée en un cocon qui correspondait à mes besoins,j’ai soigneusement choisi les tableaux et les photos qui ornent les murs.Je connais chaque livre de ma bibliothèque par coeur.

    J’ai dû faire une pause entre le début et la fin de cet article. Des gangs ont envahi un quartier voisin. J’ai grandi entre Delmas 19/29 et Delmas 33, et je vois aujourd’hui des gens que je connais depuis toujours courir pour sauver leur peau avec de petits sacs dans lesquels ils ont mis à la va vite toute une vie.

    Je dois partir.Je déteste cette idée mais je finis par accepter la fatalité de la chose.

    Si vous êtes familier au mot “Transbòde”, vous pouvez sans doute imaginer l’enfer du voyage entre Port-au-Prince et Elías Piña, puis jusqu’à Santo-Domingo. Le poids émotionnel, physique, psychologique.

    Aujourd’hui, l’avenir est incertain pour ceux qui vivent encore à Port-au-Prince, et pour les migrants haïtiens à travers le monde. Chaque choix est un pari. Rester ou fuir ? Parler ou se taire ? Espérer ou se préparer à l’effondrement ? Pour beaucoup, survivre ne signifie plus vivre — mais juste tenir. Et pour ceux qui ont fui, l’exil a ses propres blessures : la culpabilité, la nostalgie, la peur constante que ce qu’ils appelaient “chez eux” ne soit plus qu’un souvenir.

    PS: Au moment où vous lisez ce texte la ville de Mirebalais a été attaquée par un gang de la coalition Viv Ansanm,des milliers d’habitants sont en fuite et plusieurs personnes ont été tuées parmi lesquelles deux religieuses.

  • Territoires abandonnés

    Territoires abandonnés

    I recently went on a work trip to what are often referred to as territoires perdus — lost territories. We tend to imagine these zones of non-rights as deserts, lifeless places where no rule or structure remains.

    I had been looking forward to this trip since it was first announced. Not only because your boy had been stuck in the capital for way too long, but also out of curiosity — I wanted to see what it felt like to cross these so-called abandoned zones.

    Once everything was confirmed, I fell into my usual spiral of what ifs — probably the reason why no one in my family knew I was leaving town. So on a Saturday morning, a friend of mine who was traveling to France and I left for Ouanaminthe, a city near the Dominican border. The journey was at least six hours long, and we had no idea what to expect.

    As the bus pulled out of Port-au-Prince, a man stood up and introduced himself as some kind of public relations rep for the bus company. He didn’t waste time. He made it clear: we were entering a lawless area where phones and other traceable electronics were not allowed. His exact words were chilling:

    “If spotted, the bus could be stopped, and the person would be invited to continue their activities with the technicians.”

    I gasped. What had I gotten myself into?

    My friend and I held hands briefly, then laughed nervously at some corny joke he cracked. Eventually, he admitted he was a merchant — something very common on public transport in Haiti. Still, his presence made it hard to keep an eye on the road or see if any so-called “technicians” were pointing anything suspicious at the bus. At a certain point, I stopped listening.

    As I write this, my heart is racing. A neighborhood not too far from mine has surrendered. People are fleeing in every direction without any clear destination. I’m torn — do I stay and fight for what’s mine, or do I leave behind everything like so many others? I know I must sound materialistic to people who don’t know me, but this house — it’s my most prized possession. My mom built it from the ground up. After she passed, I inherited it and slowly turned it into my nest.

    I had to stop writing for a few hours between starting and finishing this post. Armed gangs invaded a nearby area, and I watched people — families, elders, children — running with whatever they could carry in small bags. I grew up between Delmas 19/29 and Delmas 33. I never thought I’d witness this level of chaos, fear, and displacement.

    If you’re familiar with Transbòde, you can probably imagine the intensity of my trip from Port-au-Prince to Elías Piña, and then onward to Santo Domingo.

    Today, the future feels like a flickering candle for those still living in Port-au-Prince and for Haitian migrants around the globe. Every decision feels like a gamble — stay or go, speak or stay silent, hope or brace for loss. For many, survival no longer looks like living, but simply holding on. And for those who’ve fled, displacement comes with its own scars — the guilt of leaving, the ache of memory, the fear that home, as they knew it, might never exist again. We move forward, unsure of the road ahead, but hoping that somehow, somewhere, safety and dignity will meet us halfway.

    P.S. I’ve just learned that Mirebalais, a city I passed through twice, was attacked by armed groups in early April 2025. The assault caused panic, with the University Hospital being targeted and several people injured. Tragically, two nuns were killed in the violence. The road I once traveled is now impassable, highlighting the growing insecurity in the region.

  • En chute libre

    Chers lecteurs, chères lectrices,

    Ce blog, habituellement léger, prend aujourd’hui un ton plus sérieux. Hier, nous avons tous vu les États-Unis choisir leur leader et mettre en danger les droits des femmes et des personnes minorisées vivant sur ce territoire. Les États-Unis ne vous aiment pas, les États-Unis ne nous ont jamais aimés. Rien ne m’étonne ; cela fait à peine un siècle que les personnes afro-descendantes ont obtenu des droits civiques et politiques.

    Cette page d’histoire est un rappel que les États-Unis ont toujours échoué à protéger ceux qui en avaient le plus besoin. Loin d’être un choix anodin, c’est un signal d’alerte pour les autres pays, en particulier ceux avec des groupes politiques radicaux et pour ceux qui luttent pour le bien-être.

    Les États-Unis ont encore une fois choisi d’élire le clown de service, après avoir pris plusieurs pays d’Amérique Latine comme cobayes (nous avons eu notre propre clown qui a siphonné les fonds PetroCaribe avec sa clique). L’ingérence des États-Unis dans les affaires d’autres nations n’est plus à prouver. Oui, je suis désolé pour les personnes que j’aime qui vont probablement vivre quatre années de terreur, mais ce pays a le leader qu’il mérite, et je le répète : l’homme caucasien hétérosexuel n’est pas votre ami.

    “Je suis parvenu à une triste réalisation : trop de Haïtiens aujourd’hui ont perdu de vue ce que représente Haïti dans ce monde, ce que cela signifie vraiment d’être Haïtien. Il est à la fois déchirant et profondément troublant qu’en 2024, les descendants de Makandal, Dessalines, Marie-Claire Heureuse, et Sanité Bélair puissent soutenir ou même envisager des idéologies ancrées dans la suprématie blanche. Cette trahison résonne non seulement en Haïti mais dans toute la diaspora.” — Orlando Aurélien

    Ma douleur vient de cette diaspora qui, forte de ses privilèges supposés, a choisi de voter contre les immigrants. Je vous méprise ; vous faites honte à Dessalines, aux Marrons libertaires, à Makandal, à votre ancêtre qui a survécu dans les cales des négriers, à votre ancêtre boat-people, à cet ancêtre qui a échappé à la dictature. L’homme blanc n’est pas votre ami.

    Je hais, je méprise et je maudis toutes les personnes et leur descendance pour leur participation supposée ou avérée au déclin de ce pays que j’aime. J’irai danser sur vos tombeaux.

    Restons unis, vigilants et solidaires.

  • Free falling

    Dear readers,

    This blog, which is usually light-hearted, takes on a much more serious tone today. Yesterday, we all watched the United States choose their leader and endanger the rights of all uteruses and marginalized people living within its borders. The U.S. does not love you; the U.S. has never loved us. Nothing surprises me; it’s been less than a century since Afro-descendants were granted civil and political rights.

    This chapter of history serves as a reminder that the U.S. has always failed when it came to protecting those who needed it most. Far from being an innocent choice, it is a warning to other countries, especially those with radical political movements, and to those fighting for the well-being of all people.

    The U.S. has once again chosen to elect the clown-in-chief, after using several Latin American countries as guinea pigs (we had our own clown who siphoned off PetroCaribe funds with his gang). The U.S. interference in the affairs of other nations speaks for itself. Yes, I’m sorry that some people I love will likely endure four years of terror, but that country has the leader it deserves. And I repeat, the white heterosexual man is not your friend.

    “I have come to a sobering realization: too many Haitians today have lost sight of what Haiti stands for in this world, what it truly means to be Haitian. It is both heartbreaking and deeply disturbing that, in 2024, descendants of Makandal, Dessalines, Marie-Claire Heureuse, and Sanité Bélair could support or even entertain ideologies rooted in white supremacy. This betrayal echoes not just in Haiti but across the diaspora.” – Orlando Aurelien

    My pain comes from this diaspora that, fortified by their supposed privileges, chose to vote against immigrants. I despise you; you bring shame to Dessalines, to the libertarian Maroons, to Makandal, to your ancestor who survived in the holds of the slave ships, to your boat people ancestor, to the ancestor who escaped the dictatorship. The white man is not your friend.

    I hate, despise, and curse all those who, through their actions—whether assumed or proven—have contributed to the decline of this country I love. I will dance on your graves.

    Let us remain united, vigilant, and supportive.

  • Je me choisis

    Another mirror selfie

    Nous sommes à trois semaines de mon anniversaire et comme chaque année c’est une opportunité pour moi de regarder en arrière et d’évaluer mon parcours. L’année de mes trente-trois ans aura été un cumul de leçons apprises à la dure mais aussi des moments exaltants où j’ai coché plein de cases à ma liste.

    Je repense encore à ce 31 juillet 2023 ou j’avais l’impression de tomber dans un fossé sans aucune branche à laquelle je pourrais m’accrocher pour ne pas atteindre le fond et je repense aussi à tout l’élan d’amour que j’avais reçu, aux larmes que je m’étais autorisée et a cette volonté féroce d’en finir avec cette situation inconfortable. Ou encore au 28 septembre 2023 ou dans le chaos ambiant je prenais le chemin de l’aéroport avec toute une vie dans deux mallettes et mon retour incertain et puis je ris aussi de tout ça de ce besoin ancien de tout contrôler, de cette illusion que tout irait comme je voulais que ça aille. Ces expériences aussi pénibles qu’elles aient été restent des leçons de vie que je chéries.

    Pour cet anniversaire je veux consciemment me choisir après des années à prioriser les besoins des autres avant les miens, après des années à être au premier rang de la vie des autres et au fond de la salle quand il s’agit de moi. Oui je sais que sous mes airs sereins plusieurs d’entre vous pensent souvent que j’ai ma vie sous contrôle, mais non parfois c’est le chaos absolu dehors comme dedans et c’est probablement que je sois tellement habitue à gérer des situations difficiles que je sache si bien jouer le jeu.

    J’écoute en écrivant une vidéo d’Alex Elle, une auteure que j’aime bien et je suis interpellé par son message qui est comme une note mentale qui m’est adressée : je suis plus que le fils de, le père de, le frère ou l’ami de je suis avant tout MOI et j’ai besoin de prendre soin de cette personne avant de m’en aller combattre le dragon des autres.

    A bientôt trente-quatre ans je me sens plus que jamais confiant en ma capacité à prendre soin de moi, à prendre les décisions qui me seront favorables, à être un bon ami, frère et confident mais par-dessus tout je veux continuer à être un bon compagnon et un bon père.

    Et tant pis pour le temps qui court tant qu’on peut aimer à la folie.❤️

    😂😂😂😂😂😂😂
  • 48 livres:une aventure sans fin dans l’incertitude

    48 livres ! Voilà ce que pesait ma vie dans un bagage à destination de Miami. Je n’étais pas un Haïtien en vacances, emportant des cadeaux pour ses proches. Non, j’emportais avec moi des livres de cuisine, mon occupation principale, ma caméra, et quelques vêtements. Mais surtout, je transportais ma fatigue, ma confusion, ma tristesse liée à un deuil, et par-dessus tout, l’incertitude de ce qui m’attendait aux États-Unis.

    Ma première semaine demeure floue : abus d’alcool, entre autres, pour affronter les funérailles de la matriarche de notre famille. Cette tante, qui avait pris le relais pendant un certain temps, était surtout la meilleure amie de feu mon grand-père, que j’avais appris à connaître et à aimer à travers elle et ses souvenirs dont je m’étais approprié. Je devais lire en public, mettre de côté mon chagrin et jouer mon rôle. J’y suis parvenu, entouré de mes cousins et cousines, et je remercie l’Univers pour tout cet amour, plus grand que nos différences.

    Ma deuxième semaine se déroule entre paperasse et formalités administratives. Il me faut absolument un téléphone, et je découvre MINT Mobile, la seule compagnie dont je peux me permettre les services à distance. Entre-temps, je remplis d’innombrables formulaires de recherche d’emploi, peu importe lequel, pourvu que j’en trouve un. Parallèlement, je me familiarise avec la plateforme d’immigration, déterminé à déposer une demande d’asile, car Haïti devient de plus en plus invivable et hostile. Les traumatismes liés à la disparition successive de personnes que j’aime me hantent. J’écris mes déclarations, que Chat GPT révise, l’anglais n’étant pas ma langue maternelle, « mwen pap al monte mal sou li. »

    Semaine trois : J’ai la certitude que les avocats vont me rendre fou. Les traducteurs aussi ! J’essaie de garder patience, me familiarise avec la zone, et je peux enfin faire les longues marches qui me manquaient en Haïti. J’explore Margate, connaissant la communauté par les aboiements et m’habituant aux horaires des habitants. Je sais éviter les bavards et leurs questions incessantes sur Haïti, car ce pays, tu le portes dans les moindres recoins de ton être. Je le porte dans mon accent et dans les musiques que je fredonne pendant la marche. Je refuse de parler encore et encore du président assassiné, de la situation chaotique au pays, des amis qui partent par vol direct grâce à Papounet Biden, ou ceux qui ont le courage de prendre la route à pied vers le Mexique. Je pense sérieusement à changer mon horaire de marche.

    Semaine quatre : Je commence à acheter des vêtements pour le froid, mettant le cap sur le New Jersey où, en principe, ma bonne amie et moi repartirons sur de nouvelles bases. À quelques jours de mon départ, les plans capotent, l’appartement n’est pas disponible, mais je viens quand même. J’aurai le temps de m’adapter sur place. Je découvre Hamburg, le faux froid dont il faut se méfier. Il y a J., notre beau voisin sur qui j’avais un faible, et maintenant son ex qui revient dans sa vie. Entre les fous rires avec M et Z et les rencontres virtuelles avec des avocats, je souffle un peu et commence à penser au Canada. Je m’efforce de comprendre cette communauté, qui n’est pas du tout adaptée à mes aventures pédestres. Je découvre l’Université de Newton, ses programmes qui m’intéressent, et son grand lac où je vais pleurer en silence. Je connais les murs, les ascenseurs et les faux sourires. Je sais aussi ce que cela signifie de parler créole dans ce coin perdu : les gens te sourient jusqu’aux yeux, car avec toi, tu apportes un peu de soleil du pays. Newton est une ville avec des trottoirs et un passage piéton, et je me dis que ce ne serait pas mal d’y vivre. Encore les avocats et les traducteurs ! Ça fonctionne mieux, mon traducteur est excellent, pour la modique somme de 27 $ la page. Je n’ai que 12 petites pages à traduire, mais j’en prends plein la tête. Entre-temps, j’ai un parent malade en Haïti, et ceux qui ont déjà géré des situations difficiles à distance comprendront ce que j’ai vécu entre le stress de mon parcours ici et les envois incessants d’argent, le stress d’un possible code bleu, j’en avais plein la tête.

    Semaine 5 :

    Dimanche 29 octobre. Hier, une dispute a éclaté. J’ai mis l’essentiel de ma garde-robe et des choses que j’estimais importantes dans mes sacs, et je pars vers Newark. Il pleut des cordes, et je me dis que le temps dit tout haut ce qui se passe dans mon cœur. Nous nous quittons à la station de train, et je commence à trimbaler mes affaires. Il vente et il fait froid sur les quais de Penn Station. Je dois rejoindre des cousins à Long Island le temps que je sache quoi faire. Je manque de m’évanouir plusieurs fois, je suis épuisé mentalement, et je m’autorise enfin une pause déjeuner. Je dévore cette salade César avec la rage des affamés, je dois reprendre des forces et me guider dans la Purple Line. Je monte en dernier avec mes bagages et j’arrive finalement sous une pluie cinglante à destination. Nous évitons de parler, mes cousins et moi, et je fais la connaissance des chiens. Cody, le gros bruyant, me fait peur au début, mais il se révèle être une grosse boule de joie une fois que nous avons fait connaissance. Je découvre aussi Central Islip et sa vie tranquille. C’est le jour des morts, et je prends le train pour le cimetière. Je veux aller fleurir la tombe de mon ami Pascal, lui parler, lui exprimer ma colère et ma déception. Je veux aussi lui reprocher de m’avoir laissé en plan en cours de route. Je pars déterminé et me laisse guider par le GPS. Finalement, j’arrive, et comble de malheur, mon téléphone s’éteint. J’en ris à en pleurer, et le personnel du cimetière m’indique volontiers un point de recharge. Du coup, je peux appeler mon Uber et rentrer chez mes cousins. Je reviens du cimetière serein. J’ai fleuri la tombe et y ai laissé un souvenir. C’est mon premier geste impulsif depuis les cinq semaines que je suis là. Je reçois l’appel qui change toutes mes intentions : un nouveau poste en Haïti avec la possibilité de travailler en hybride. Je joue les difficiles et j’accepte finalement ! Je me fais une gâterie avec un nouvel objectif et décide de partir vers « The City » voir des amis, des parents, mais surtout être un touriste adulte à New York qui fait ce que bon lui semble.

    Semaine 6 :

    New York est comme dans mes souvenirs : foule hétéroclite, la fumée des cigarettes, et cette odeur caractéristique qu’a la ville. Je me lance dans un pèlerinage musées et églises, ce sont mes derniers jours dans la Grosse Pomme, et je réalise mon rêve d’enfant ayant grandi avec des adultes qui ne le comprenaient pas.

    Semaine 7 :

    8 novembre 2023 : La Perle La Perle, avec toutes mes appréhensions et la certitude que ce chapitre sera plus excitant que les autres.

  • 48 pounds, Infinite Adventures: A Heartfelt Tale of My Thrilling Five-Week Odyssey in the USA.

    48 pounds – that’s how much my life packed into a suitcase headed for Miami! But this wasn’t your typical vacation or family visit. I brought along cookbooks, my trusty camera, and just a few clothes. More than that, I carried with me my weariness, confusion, and the sadness of mourning, all mingled with the excitement of the unknown awaiting me in the USA.

    Let’s rewind to the first week – a bit of a blur with the mix of emotions and an abundance of alcohol to face the farewell of our family’s matriarch. She was not just an aunt but the dearest friend of my late grandfather, someone I came to know and love through her memories, now treasured as my own. Public speaking, even through the grief, became a part of my journey, surrounded by the love of cousins, an embrace from the Universe that transcends our differences.

    Week two was a whirlwind of paperwork and the urgent need for a phone. Enter MINT Mobile, my budget-friendly savior. Amid filling out countless job applications, I delved into the world of immigration forms, fueled by the determination to seek asylum. As I poured my heart into these applications, Chat GPT played editor, helping me navigate a language that isn’t my native one – « Mwen pap al monte mal sou li. »

    Week three – a certainty that lawyers and translators might just drive me bonkers! Yet, as patience became my ally, I explored the neighborhood, relishing long walks that had been absent from my life in Haiti. Margate became my new stomping ground, where I learned the community’s rhythm through barks and got familiar with the routine of Ken and Karen. Dodging prying questions about Haiti, a country etched into every fiber of my being, I chose to express it through my accent and the tunes that echoed during my walks.

    By week four, my journey took a detour to buy winter clothes for the cold. Plans for a fresh start in New Jersey hit a snag, but undeterred, I discovered Hamburg and the chilly weather that demands respect. J., our dashing neighbor, and his returning ex added some unexpected drama to the mix. Amidst laughter with M and Z, virtual meetings with lawyers, and the stress of a sick relative back in Haiti, I contemplated Canada and found solace in Newton’s sidewalks and crosswalks.

    Week five – a turning point. A heated argument led me to pack my essentials and head to Newark in the pouring rain. Fighting exhaustion, I joined cousins in Long Island, nearly fainting multiple times. A hearty lunch revived me, and a journey on the Purple Line brought me to Central Islip. The Day of the Dead prompted a trip to the cemetery to honor my friend Pascal. Unexpectedly, I received a call that reshaped my plans – a new job in Haiti with hybrid work options. With a renewed spirit, I treated myself and headed to « The City » to be a tourist in New York.

    Week six was a joyous return to the vibrant chaos of New York – a dream come true for the child in me who grew up surrounded by adults who often didn’t understand. Now, as I embarked on a pilgrimage of museums and churches, I relished every moment in the city that never sleeps.

    Week seven – November 8, 2023, marked the beginning of a new chapter, La Perle La Perle. With all the initial uncertainties, I couldn’t help but feel the excitement building, making this part of my journey more enticing than ever!

  • Farewell

    Life can take unexpected turns, and sometimes we are caught off guard. A week ago, my world was shaken when I lost a dear friend of over 10 years and my dad became the victim of a kidnapping attempt, during which he was shot twice. I didn’t find out until the next morning, and the shock was overwhelming.

    I never thought I would have to grieve the loss of this particular friend, despite our ongoing jokes about how he was older and would go before me, and all the things I would do to make sure he woke up so he could whoop my ass. I also never imagined my dad on a hospital bed, looking so vulnerable and fragile. My dad had always been a symbol of strength and power to me, but that day he was just a father in pain, worrying about his kids. And the absence of Pascal, my friend, made it all the more painful.

    Pascal was no longer here to give me straightforward advice on how to navigate being the illegitimate son of a married bourgeois de grande famille. We would have laughed about the situation, and he would have eventually said, « Hey, you’re a man, and you’ll figure it out in due time. » That’s who my friend was: a man down to earth when it came to solving problems, but with his head in the clouds when it came to creativity. Despite our different backgrounds and social circles, Pascal and I merged our passion for the arts, and it became the foundation of our friendship.

    We were atypical, but we were fueled by love: our common passion for the arts, his love for my late mother, my love for his mother and kids, and the friends we brought together through our collaborations. Pascal was my guardian angel during his earthly journey. He was far from perfect, but he was a good person who had his ups and downs. He failed a few projects, but he always did his best and learned from his mistakes.

    A man of honor

    I could go on and on about my dear friend Pascal and the many things he taught me during our time together. He was no saint, but he was far from being a bad human being. Now, I take comfort in the thought that he is reunited with other angels who have gone before us. I can almost hear them now, laughing and enjoying their reunion. Pascal, behave up there! Don’t give me a reason to lecture you, as you used to call my mean text era. I love you, brother. Thank you for being the best brother, guide, counselor, solution maker, and uncle to Jade Zuli. You are missed, but we will always cherish the memories we have of you. Sleep easy, my friend.

  • Partir….

    J’ai fait il y a quelques semaines le voyage le plus long de toute ma vie d’adulte. Je suis parti sur le Continent même si ce n’étaient pas les villes que je voulais visiter c’était tout de même une expérience qui valait le détour. Mais contrairement à tous mes autres voyages à l’étranger je n’étais pas seul à faire le trajet j’avais hérité grâce aux bons vœux de ma collègue d’une délégation de trois autres collègues parlant pas un traitre mot d’anglais me voilà la donc à jouer les interprètes guide-agent de voyage avec trois adultes adorables!

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        Cap pour l’Afrique du Sud spécifiquement Johannesburg comme il n’y pas de vol direct nous faisons escale d’abord à Santo Domingo ou notre AirBnb n’est pas averti de notre visite du coup je dois replanifier immédiatement le séjour ! Ouf sauvé par mes pieds poudrés nous trouvons un hôtel puisque le vol du lendemain est reporté à dimanche. Je passe sous silence les courses poursuites dans les aéroports JFK pour passer la sécurité ou à Atlanta pour que nous ayons le temps d’avaler quelque chose. Johannesburg dans ma tête ce sont les paysages sauvages et la faune mais non je suis accueilli dans un décor très occidental et mes yeux chercheront longtemps une tenue traditionnelle. Petit Uber de ouf : direction Sandton ou je retrouve mes collègues déjà sur place c’est la grande folie entre les réunions qui se suivent : pa gen kanpe ! Les nouveaux venus étant exempts de cette valse. AirBnB oh j’adore ma première demeure ici je ne vais pas me plaindre du décor trop moderne. Je choisis de toute façon la meilleure chambre, une suite parentale avec baignoire et douche italienne après plus de 24 heures en avion il fallait absolument que je fasse trempette.LOL

       Certains ont mal dormi et nous nous rendons sur le terrain à Soweto : visite de clinique et grosses conversations avec les collègues. Nous découvrons l’Afrique du Sud et ses similarités avec d’autres pays majoritairement noirs. Il y a un toujours ce fosse conséquence de l’Apartheid. Les moins fortunés cohabitent dans le voisinage des plus ou moins fortunes quand on a vu Haïti on semble immunisé au choc. Mon chauffeur me dit fermement de remonter ma vitre pour éviter que ma caméra me soit prise de force j’en ris mais il a l’air très sérieux. Retour au centre touristique de la ville pour le diner-bilan encore une suite de réunions qui s’imbriquent les unes dans les autres la vie d’activiste est dure les enfants.

       28 heures de vol après, entre une escale à l’aéroport Dubaï pour le plaisir de visiter des magasins de luxe j’atterris à New York et je me sépare du groupe dans la foulée des autres avions à attraper je n’ai pas le temps de leur dire au revoir. Direction l’arrière-cour : Miami ou entre visites chez la famille et les fameux « Sa w pral fe Ayiti ? » je devrai sourire et garder en moi la nostalgie de chez nous et l’anxiété de revenir  au pays.

    Ayiti Cheri !