Femme du soir…

Quelqu’un m’a dit un jour que je devais sortir de ma zone de confort pour laisser parler les autres, j’ai pris le risque et après maintes révisions je vous présente une des fictions que je cache dans mes fichiers. Bonne lecture ! (Cette semaine promis je vous passe mes recettes et mes adresses pour les fêtes)

 

 

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Je suis le fruit d’une soirée trop arrosée, ma mère et ses sœurs ne se sont jamais gênées pour me le rappeler à la première incartade. Tous mes défauts je les tenais de ce père parti après avoir tiré son coup. Je n’étais le chouchou de personne parce que je n’étais pas l’enfant prodige dont rêvait la famille. Les garçons m’évitaient parce que j’avais peur de recevoir le ballon en pleine face et les filles ne m’acceptaient tout en ne me considérant pas totalement comme l’une des leurs. J’étais aussi le              souffre-douleur de la classe malgré mes bonnes notes, ma timidité maladive faisait de moi la cible idéale pour toutes les blagues de mauvais gout, la nuit je rêvais de voyage dont je ne revenais pas et une fois mon baccalauréat obtenu je me suis empressé de mettre le cap vers Port-au-Prince. Par accord tacite avec mon jeune frère dont le père vivait aux Etats-Unis ma mère et ses sœurs avaient décidé qu’une fois à Port-au-Prince je me débrouillerais pour survivre. Durant les quatre années qu’ont duré mes études universitaires j’ai vécu dans à peu près tous les bidonvilles de la capitale. Lorsque je ne dormais pas chez des amis, parce que les propriétaires des chambrettes ne me poursuivaient pas pour loyers en retard,j’etais ce qu’il y a de plus normal.        

J’ai vraiment connu la misère avant de devenir Stella. Je suis devenue Stella un soir de pluie, le père de cet ami qui m’hébergeait m’a rejoint dans mon lit, je devais faire silence au risque de me faire jeter à la rue. Je me suis tu, et je l’ai laissé faire. Cette nuit j’ai découvert le sexe, rien à voir avec les attouchements que j’expérimentais avec mon ami Raoul qui m’accompagnait certains soirs derrière les latrines. J’aurais pû écrire qu’il m’avait violé mais j’avais tellement pris mon pied que cette histoire n’aurait pas tenu la route devant qui que ce soit.

   A partir de cette nuit j’ai eu droit à ma propre chambre et lorsque mon ami partait rejoindre sa copine, je faisais la pute de son père. Un jour il m’a offert une perruque et une robe et m’a conduit à une fête dans les beaux quartiers, j’y ai découvert les drogues douces et le backstage de ces soit disant enfants de bonnes familles. Je me suis laissée emportée vers des sommets les uns les plus vertigineux que les autres et j’ai aussi rencontré Paul, mon premier amour, celui qui allait faire en sorte que je n’habite plus les bidonvilles. J’avais eu droit à un appartement avec vue sur la ville mais aussi aux bastonnades lorsque Paul n’avait pas de quoi s’offrir sa ligne de coke quotidienne.

J’ai disparu un beau jour, une amie m’avait raconté qu’en République Dominicaine on s’occuperait bien de moi et je n’avais pas été déçu de ce que mes économies avaient ou m’offrir :une belle paire de seins ferme et de quoi payer une maison. Fini les loyers et les hommes comme Paul.

Je respire un grand coup et je fais le plein d’air frais, ce petit jardin était finalement une bonne idée. Ce serait une nuit sans lune, une de celles que j’adorais. Cette vierge que je vénérais à grand coup de Florida et de douceurs avait sans doute exaucé mon vœu et je me réjouissais déjà des gains de la soirée. J’étais une pute d’un genre particulier, le type dont on ne parle pas entre copains même lorsqu’on est bourré. Je faisais la pluie et le beau temps dans  ma catégorie et je ne redoutais pas la compétition. Je me fis couler un bain de feuilles, pour la chance et par habitude surtout. Je me cherchai une robe très près du corps, j’étais plutôt mince mais je savais jouer  des hanches pour que celles-ci paraissent plus larges. Je jetai un rapide coup d’œil à ma tenue et à l’horloge de ma chambre avant de prendre mon sac et de faire signe au chauffeur de moto dont j’utilisais les services régulièrement. La nuit serait longue

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Je m’assois au bar de l’Hôtel et j’allume une cigarette nonchalamment comme je l’ai vu faire dans les films tant de fois, qu’est-ce qu’une femme fatale qui ne fume pas ? Je dois être convaincante puisque le barman m’offre mon premier verre de la soirée en désignant de la tête un vieux monsieur assis quelques tables plus loin.

Je lui souris, bêtement, c’est ma première nuit depuis mon retour et au lieu de faire le trottoir je prends des rendez-vous et je les rejoins à  ce bar-hôtel de Pétion-Ville  où j’avais mes habitudes. Je suis partie refaire mon maquillage après mon deuxième verre et intérieurement je me suis moqué de ces règles établies qui empêchent à cet homme avec qui je vais  diner de me suivre, j’apprends chaque jour à devenir une femme.

Je croise une dame qui se repoudre le nez à coup de coke, j’ai envie de lui sourire à cette femme qui tue son chagrin et ses incertitudes, je devrais lui dire que ça va aller, que tous les hommes sont des salauds et que la vie est ainsi faite. Mais que vaut la parole d’une pute ? Je vends mon corps au plus offrant, et je ne suis pas à ma première affaire de la soirée. A chacun sa petite amnésie, moi j’oublie tout entre deux orgasmes d’autres oublie à grand renfort d’alcool ou de drogues. Je me presse et discrète comme moi seule je vide les lieux.

Mon bon monsieur est parti, mais sa carte est sous mon verre et le barman m’annonce que toutes mes consommations sont sur l’ardoise de monsieur. La galanterie existe encore et je me promets intérieurement de l’appeler pour le remercier.

Il est 22h lorsque je quitte le bar, ma soirée a été moins prometteuse que prévue. Je compose le numéro inscrit sur la carte de visite en espérant  qu’il  répondra rapidement à un numéro inconnu, mes poches et mes sens ont besoin de sa présence…Ça sonne enfin et je sors le grand jeu.

Je le rejoins  à son appart, le type doit est confortablement installé, un beau duplex à Morne Calvaire, il me sort le grand jeu : ma femme et mes enfants ne vivent plus en Haïti, insécurité, je suis très discret etc. et moi pour ne pas lui tirer la langue je roucoule et je lui souris. Il s’approche dangereusement  et mon cœur part au pas de course lorsque sa langue essuie la sueur qui glisse sur ma poitrine.

Il se tient debout devant moi, la bosse de son sexe déforme son pantalon. Il descend sa braguette et je l’arrête du regard, il compte mes billets et je les lui prend rapidement. Je lui propose de le sucer pour le mettre en appétit je sais que je maitrise bien certaines techniques qui feraient rougir les plus téméraires. Ma langue experte joue avec son gland pendant que mes mains habiles explorent sa poitrine à la recherche de ses mamelons, certains hommes adorent que je les leur stimule. Il me force à me relever et me pousse sur le lit.

Il n’a pas du tout été tendre, autant de vigueur me surprend d’un homme de son âge, il m’a chevauché, j’ai hurlé de plaisir, j’ai prié, je l’ai supplié de m’en donner plus à chaque fois. J’aurais renié mes parents aussi  dans cet accès de folie

Je me glisse doucement hors de la maison, l’agent de sécurité me sourit en me jaugeant d’un œil connaisseur.

J’arrive à Pétion-Ville cheveux au vent, heureuse  de me savoir femme et belle.

 

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Je retrouve mon appart, je me jette sur le lit et j’ôte ma perruque. Je suis pris d’un fou rire et cette voix rauque qui sort de ma gorge me surprend, Stella prend le dessus.

Je fixe le plafond et je souris en repensant au bidonville et à cette époque révolue où je supportais en silence les coups de mon frère au nom de notre foi et de la réputation  familiale mise en péril à cause mes activités « diaboliques » ou encore les cris hystériques de ma mère face lorsqu’elle me surprenait avec la poupée de la fille de notre voisine.

Je caresse mon visage et je réalise que ma barbe revient plus vite que prévu et qu’il faudra absolument que je fasse l’épilation au laser si je veux continuer à survivre, le souvenir des billets soigneusement cachés dans mon slip me motive et je note mentalement que je dois téléphoner la secrétaire du médecin.

J’allume une énième cigarette, je me démaquille avec la voix de Maria Callas en fond sonore, je lance un nuage de fumée vers la fenêtre.

Je regarde mon reflet, ce miroir fêlé doit être remplacé, j’ai renoncé une fois pour toute  à être Pierre aujourd’hui pour mieux devenir Stella, femme du soir.

 

 

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