
Il y a de ces épisodes de sa vie qu’on aurait souhaité effacer dans le livre des souvenirs. Je me croyais bon à ce jeu, d’ailleurs j’oublie facilement les noms et les visages que je ne rencontre pas régulièrement. Depuis que je vis seul, il est plus facile de retrouver mes amis pour des « get together » arrosé et le célibat aidant nous nous retrouvons assez souvent et demeurons assez tard autour de nos verres.
C’était l’anniversaire de Karl et nous nous sommes retrouvés encore une fois pour commémorer l’événement chez moi et comme un hôte qui se respecte je faisais les allers-retours entre la cuisine, le bar et la barrière. C’est à ce moment que je t’ai vue, j’ai bafouillé un bonsoir parce qu’évidemment je ne me rappelais pas de ton nom et que j’étais plutôt surpris de te revoir.
J’avais raconté à tous mes amis l’histoire de ton alliance (avec une description plutôt fidèle du personnage) que je craignais que celui ou celle qui t’avait invité ne veuille te faire une bonne blague.
Ca remontait à deux ans ou presque, tu étais une de ces rencontres anodines des vendredi soir post-visites médicales, on s’était fait des bières et tu m’as suivi. Pour la suite, on aurait pu blâmer la fatigue mais il y avait vraiment un truc qui ne tournait pas rond. On s’est dit les conneries habituelles et tu es partie pour la salle de bain.
Nous nous sommes quittés sur de fausses promesses de se revoir pour un verre, et de se téléphoner. Entre les texto pour raconter ma mésaventure et les selfies pour illustrer l’affaire j’ai entendu cogner la barrière
-Oh a lè sa vòlè kap debake sou mwen me suis-je dit en allant de mauvaise grâce vers le portail.
Et te voilà, essoufflée et en sueur, j’imagine tous les scénarii et au fond je ne peux m’empêcher de paniquer un peu. Tu te diriges sans broncher vers la salle de bain ou je te suis, j’entends un ouf de soulagement et te voilà qui sort tout sourire en ajustant une bague, que dis-je ton alliance !
Je dois avoir l’air bien bête parce que tu me réponds assez vite
-Je l’avais oublié. Je suis mariée, et j’ai un fils !
-Il a quel âge le petit ?
-5 ans, il y a son père qui m’attend. J’ai prétendu un appel de ma mère pour justifier ma sortie.
-Ben, bonne soirée !
Et en claquant la porte sans autre forme de procès, je retourne à ma conversation ou je découvre que l’incident de l’alliance ferait une histoire croustillante.L’histoire a fait son bout de chemin et j’espérais ne jamais te revoir, question de ne pas mourir de rire ou de te mettre dans tes petits souliers, mais je voulais surtout ne pas rencontrer le cocu. La vie en a voulu autrement et me voilà qui te tend un verre et te fais la conversation comme si de rien n’était.
Tu es éventuellement partie vers la salle de bain avec un des invités et je t’ai secrètement souhaité un bon coup.
Entre mes devoirs d’hôte je n’ai pas vu le temps passer et la bise que tu m’as fait en partant m’a ramené à la réalité.
-Je n’ai pas oublié mon alliance cette fois.
Et je te regarde partir vers ta voiture et je ris pour faire passer la pilule.







