Ça aurait pu être nous…

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« Je veille sur celle qui m’a tout appris
Et même si je me perds là-bas
Sous un soleil bien trop grand pour moi
C’est le jeu de ma vie »

Celine Dion in Celle qui m’a tout appris



562 jours…oui je les ai comptés, tu sais pour faire joli et t’impressionner un peu. Mais comment impressionner une femme aussi intelligente et alerte que toi ? Je suis sûr que tu m’aurais rappelé qu’on ne comptait pas l’âge d’une femme et que le tien ne regardait que toi.

 Nous avions cette complicité que j’ai du mal à partager avec qui que ce soit, je te vois déjà faire les grands yeux et me rappeler que nous sommes dimanche et qu’en principe nous mangions tôt, j’imagine ton sourire lorsque je me retournerais et que je te verrais espionner mes faits et gestes à la cuisine comme si tu ne m’avais pas assez appris les réflexes et les gestes qu’il faut :on est toujours l’enfant de ses parents tant qu’ils sont encore là.

 -Georgy vini’m pale’w,se pa konsa mte mande’w mare cheve yo non ti gason.

-Manmi  mpat al aprann penyen non.

-wi mkonen se atis ou tal fè men gade pito koman map fè’l .

Et d’une main de maitre tu me montrais comment faire un chignon correct malgré la douleur. Le diner prêt je mis la table en utilisant nos couverts des jours de fête, je sais que tout en étant fière de mes talents de cuisinier tu craignais aussi que je ne casse une assiette de ton fameux service blanc et or. Mon amour de la sobriété doit me venir de toi, je crois.

– Manje a bon wi,mpat konen ou te fò konsa.

-Pitit manman’m ke mwen ye madam.

Et nous aurions ri à gorge déployée en imaginant la tête de mon père s’il nous entendait parler de lui. Et en emportant la vaisselle a la cuisine je serais revenu avec  le cadeau ; une de ces babioles sans lesquelles ton monde n’était pas complet. Nous aurions eu une petite dispute concernant le prix, tu n’aimais pas que je dépense mon argent futilement, mais un cadeau pour toi ça n’avait pas de prix à mes yeux : tes désirs étaient mes ordres.

Le clou de notre journée aurait été la crème glacée dont tu raffolais vanille pour toi et rhum raisin pour moi

-Georgy laissez-moi tranquille, timoun lan anpeche’w bwè yon ti krèm.

-Men goute nan pam lan manmi

Fou rire encore qui serait suivi par une partie de carte que tu remporterais haut la main, j’ai toujours été nul au « bezigue ».

Et enfin pour bien finir la journée nous aurions dansé sur tes chansons préférées : On the radio,              se pa pou dat, bel ti machann  etc. Tu savais comment agencer la musique pour la nuit paraisse jeune et que le monde nous appartienne.

Maman, c’est bizarre de parler de toi au passé, de te mentionner comme un souvenir. J’imagine que tu n’es plus seule plusieurs de nos amis ont fait le grand voyage après toi et ceux qui t’ont précédé te tiennent compagnie. Je vais mieux, en tout cas je fais tout pour aller mieux. Je me suis pardonné cette prière pour que Dieu mette fin à tes souffrances, c’était peut-être égoïste de ma part mais je ne voulais pas garder ce souvenir de toi. Je préfère me rappeler combien tu étais belle et combien ton sourire illuminait mes jours.

Maman parfois j’ai envie de t’appeler lorsque j’ai mal mais le téléphone là où tu es il est cassé…

« Kat la pa pase! »

Cet instant où tes poches ne coopèrent pas…
J’aime le shopping, à une époque j’en avais même fait ma thérapie contre le stress. Et j’ai arrêté aussi subitement que j’avais commencé lorsque ma chambre est devenu une cellule et en un claquement de doigt j’ai vendu l’invendable pour créer plus de place pour mes livres et d’autres objet plus importants dans ma vie de tous les jours. Mais le shopping n’est pas un mal dont on guérit facilement et il m’arrive de temps en temps de me prendre une pile de livres chez mon bouquiniste habituel  ou à la librairie, j’en prends même en ligne en me disant peut-être un jour je le lirai ou que j’en aurai besoin pour un devoir.

L’épisode dont il est question m’est arrivé il y a quelques mois, même si dans ma tête on dirait que tout s’est passé hier. Je visite un magasin où il fait bon de faire ses courses certaines fois et comble .de bonheur je tombe sur cette chemise noire, je sais que je la veux et je sens aussi qu’elle n’attendait que moi. Oh ce pantalon beige irait à merveille avec la chemise et les chaussures que je me suis offert la semaine dernières. Je fais les calculs mentalement et je m’avance avec une sérénité vers la caissière habituelle et tout en cherchant en ligne les meilleurs accessoires pour compléter ma tenue.

Je lui tends ma carte et je pense bien que trois bonnes minutes se sont écoulées avant qu’elle me dise qu’elle va essayer un autre appareil, le client derrière moi étant en pleine conversation  ne semble pas dérangé par le manège. Trois autres minutes, la caissière me demande gentiment de me mettre sur le côté en attendant qu’on me rapporte ma carte. Quatre clients plus tard, une autre caissière fait son apparition ma carte en main, tout sourire, je me dis que finalement ça marche et je me réjouis à l’idée de partir et montrer mes trouvailles à mon ami mais la caissière freine mon ardeur.

-Mesye kat la pa pase non,msòt eseyel sou plizyè machin li pa pase.

Mon cœur a cessé de battre pendant une seconde, adieu veau, vache, cochon, couvée  comme le dit cette bonne vieille fable. J’ai du sourire au lieu de répliquer que je n’étais pas sourd que la terre entière n’avait pas besoin de savoir que la foutue carte ne voulait pas satisfaire mes gouts de luxe, tant de choses les unes les plus injustes que les autres dont j’étais la victime malheureuse mais bon non je lui ai plutôt fait un sourire gêné pour être sincère et je lui ai presque murmuré de me mettre mes achats de côté le temps que je vérifie avec ma banque etc…Morale de l’histoire, parfois dans un sursaut de charité chrétienne la carte de crédit refuse de coopérer avec vos poches question de ne pas vous laisser dépasser le fatidique seuil de la limite de crédit.

Chères poches, soyez plus généreuses !

Avant que j’oublie tout…

Avant que j’oublie toutCet amour qui me tue

Ces silences assassins

Ces mensonges qui blessent

Ces sourires menteurs

Ces promesses vaines

Ces paroles vides de sens

Ces caresses sans passion

Cette attente qui dure

Cette joie qui meurt

Ce rire qui sonne faux

Ces larmes qui ne sèchent plus

Cette main qui mendie

Ces images douloureuses

Cette lente souffrance

Ce soupir mélancolique

Cet avenir incertain

Ces amours fous

Ce regard de mepris

Cette lumière  intouchable

Ce navire qui chavire

Avant que j’oublie tout

Avant que ne meure le jour

Avant que l’amour s’en aille

Dis moi encore que tu m’aimes…
Georges Casimir et Myriam Lessage